The Artifacts
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A la question de « quelles étaient mes modèles féminins » quelque chose me frappe.
Un rapport à la photographie, à l’image de la femme.
Adolescente j’ai plongé dans la photographie et mes modèles étaient des modèles au sens littéral : modèles photographiques posant sous le regard des hommes. Amante/ modèle/muses. Qui souvent elles mêmes passent à l’acte après avoir posé pour un autre.
Je viens de lire un livre magnifique de Garcia Lorca sur le « duende » ( jeu et théorie du duende)
Il différencie la figure de l’ange, la figure de la muse et la figure du duende dans le geste artistique.
Je me rends compte avec la distance que mes modèles sont toujours des compagnes d’artistes ou de photographes qui ont chacune à leur manière tenté de s’exprimer dans leur art mais toujours à l’ombre d’une figure masculine.
Qu’ on a d’ailleurs comparé à eux ….
Cela explique aussi surement cette place d'opératrice.
Très jeune vers 15/16ans j’étais fascinée par Frida Kalo photographiée par Edward Weston (amante / modèle/muse…) puis femme du peintre mexicain Diégo Rivera
Son visage, son histoire (un accident effrayant de tramway, l’impossibilité d’avoir des enfants à la suite de cet accident , le fait qu’elle soit restée alitée … ) c’est comme si son visage et son histoire avaient pour moi plus d’importance que son œuvre.
J’ai toujours admiré le travail de Man Ray et les portraits de Lee Miller ; je n’ai découvert les photos prises par Lee Miller que beaucoup plus tard…
Patti Smith fut avant tout pour moi la compagne/ami/ modèle du photographe Robert Mapplethorpe et elle fut aussi souvent son modèle. (Elle raconte leur histoire dans son très beau livre « just kids »)
Les portraits fait par Denis Roche de sa femme m’ont toujours beaucoup émue ;
Tout comme ceux de Harry Callahan, photographiant sa femme au prénom si mélodieux ELEANOR. Il y a là comme une émanation du quotidien dans la photographie qui m’émeut aux larmes.
Je les regardais je les admirais mais c’était quelque part des figures plastiques, muses modèles, au sens très littéral du terme : celle qu’on peint ou photographie.
Je suis venue à elle par leur « représentation » puis par leurs histoires puis au bout du bout à leur propre œuvre.
Elles n’ont souvent finalement existé qu’à travers leur homme ou les couples qu’elles ont formés avec ces hommes ou la représentation que ces hommes ont donnée d’elles.
Plus récemment J’ai lu pas mal de choses autour des amours de cette poétesse, amante successivement de Rilke, Nietzche, Freud : Lou Andréas Salomé
Et encore une fois son visage, sa vie prennent le dessus sur ses œuvres; évidement la question que cela pose est celle de la représentation des femmes dans l’histoire.
Je suis tombée récemment sur cet article dans libération à propos du livre « sexe race et colonialisme »
« Christelle Taraud a fait un casus belli de la couverture, pas question d’y exposer une femme nue : «Le débat de "montrer ou non" est une question qui traverse les féministes, comme les universitaires qui travaillent sur la prostitution ou la pornographie. Une école "prohibitionniste" pense qu’on ne devrait plus jamais montrer ces images humiliantes. Un autre courant, dont je suis, estime que la domination visuelle participe largement de la domination globale, et qu’on ne peut déconstruire sans dévoiler.»
Cette idée m’a vraiment frappée. En écho aux questions qu’on se pose dans nos réunions et à notre métier qui est un métier du champs de la représentation.
« La domination visuelle participe largement de la domination globale » à méditer pour des femmes d’images.